fbpx
En cours de lecture
Interview : Yseult, en rouge et noir

Interview : Yseult, en rouge et noir

Marin Woisard

Pour la sortie de son nouvel EP Noir qui fait suite à Rouge en juin dernier, nous avons croisé le regard ébène et les mots passionnés d’Yseult au MaMA Festival. La chanteuse nous émeut en quatre morceaux introspectifs entre pop et trap, sa signature qu’elle surnomme y-trap.

Stendhal en a fait un roman, Jeanne Mas une chanson, Yseult deux EPs. Du lyrisme littéraire au tube universel, la chanteuse condense une rage de vivre aussi romantique que flamboyante. Sorti le 28 juin, son trois-titres Rouge nous susurrait à l’oreille ses amours obsessionnels dont elle ne parvenait à se défaire.

Disponible aujourd’hui, son Noir claque des mandales d’une voix de velours : l’estime de soi et ses tourments familiaux dans Corps, le témoignage de sa solitude urbaine dans 5H, son parcours semé d’embûches dans Rien à Prouver. Yseult laisse entrevoir tout son chant des possibles d’une pop rouge ardente mêlée à une trap noire ébène.

Un pied dans la trap, une voix dans la pop

Rares sont les artistes parvenant à exister après une émission de télé-crochet, pour Yseult la finale de Nouvelle Star en 2014. Plutôt que se katy-perryser en major, elle a choisi de tracer sa route après une remise en question douloureuse. Sa structure Y.Y.Y. en guise de tremplin, des textes cash comme un braquo, une couverture d’EP qui magnifie son physique : la mise à nu devient symbole de renaissance en totale indépendance.

Parmi les titres produits par Yung G, son single Noir condense en particulier les hantises existentielles de l’artiste avec une voix autotunée répétant obstinément « toute ma life », avant qu’un break dansant ne libère les frustrations contenues. En off, Yseult a annoncé un album et un featuring avec Angèle. Que passent les nuages, le noir est couleur d’espoir.

Marin : Bonjour Yseult. Après Rouge, tu passes à une identité plus brute avec ton EP Noir. Comment cette évolution s’est-elle faite ?

Yseult : Rouge était une césure avec mon projet d’avant et celui de maintenant : « Ceci n’est qu’une transition, attendez de voir » (rires). Ce n’est que l’apéro, le second va arriver. Les morceaux de maintenant sont beaucoup plus affirmés, plus bruts, plus sensibles, je ne me prends plus la tête. Sur les réseaux, on me reproche de ne pas m’exposer assez, parce que je pars du principe que je suis une artiste : si les gens veulent savoir qui je suis, ils ont juste à prendre Rien à Prouver, Noir ou Corps. C’est important qu’on reparte aux bases en tant qu’artiste, c’est-à-dire se raconter en musique.

M. : Tu te démarques en travaillant autant ta musique que tes visuels. Le clip de Noir en est un bel exemple…

Y. : À la base pour Noir et plus généralement pour mon projet, j’écris un pitch que j’envoie à des boîtes de production, où je vais aller chercher des réalisateurs spécifiques à ma vision. Là, je voulais un délire bondage avec de la peau et des choses assez deep. On m’a fait plein de propositions que j’ai refusé, puis en cherchant j’ai découvert Judith Veenendaal. Ce qui est marrant, c’est quand tu regardes le clip tu penses que c’est un homme qui l’a réalisé, c’est très frontal. Et en fait non (rires).

M. : Et pour tes visuels dont la couverture de ton EP ?

Y. : Ce sont des parties de mon corps pour la couverture de Noir, en l’occurrence le haut de mon cou pour la Face B, et un focus sur mes trois ou quatre bourrelets qui se battent en duel pour la Face A. J’ai posté récemment une photo de moi, nue sur un matelas, j’en suis grave contente parce que c’était un shooting extrêmement dur.

 

Certains médias ont pris Rien à Prouver et Noir comme un règlement de compte, alors que c’est juste le ressenti d’une meuf qui a galéré pendant tellement d’années, et qui a aujourd’hui la liberté de dire ce qu’elle a pu ressentir et ce qu’elle ressent maintenant. Comme je m’assume pleinement avec des textes introspectifs, personnels et intimes, autant affronter physiquement qui je suis. De par ma musique, je donne des émotions, et de par mon image, j’éduque les yeux des gens.

Le dernier shooting d’Yseult, un vrai pari artistique et personnel © Bettina Pittaluga
M. : Le mouvement de body positivism est de plus en plus influent. Est-ce que tu te retrouves dans cet élan ?

Y. : Non, je trouve que ça a perdu de sa superbe. C’était cool mais ce mouvement exclut trop de gens : des meufs rondes qui excluent des meufs plus minces. Alors que le body positivism c’est pour tout le monde, que tu fasses une taille 2 à 32 ou 77. Il y a une communauté qui s’accapare le truc en excluant une autre communauté, et vice-versa. Moi, je ne fais absolument pas partie de ce délire. « No waaay » (ndlr, Yseult chante). Je referais partie de ce crew seulement si c’est un mouvement qui n’exclut plus personne.

M. : As-tu envie de t’aventurer vers quelque chose de plus engagé ?

Y. : Je pourrais surtout être engagée au niveau de l’image et de la musique parce que j’ai le parti pris d’avoir un discours très introspectif et une image clivante. Soit tu comprends le délire et tu essaies de gratter, soit tu ne le comprends pas. Quand tu écoutes ma musique, tu te prends les paroles car rien ne cache ma voix. J’ai tellement de choses à raconter, ce métier me permet de prendre la parole et dire ce que j’ai à dire. Aujourd’hui, si je me sens trop bien dans mon corps, je vais le montrer par l’écriture ou un visuel.

M. : Pourquoi avoir choisi de collaborer avec Claire Laffut sur Nudes ? C’est une troisième couleur que l’on te connaissait moins après Rouge et Noir

Y. : D’une, Claire Laffut je l’aime trop. De deux, elle est trop des barres. Et de trois, je l’aime trop (rires). Le refrain « On s’envoie des nudes de tout l’été » m’est venu, Claire l’a trouvé trop lourd et on a appelé la chanson Nudes. Ça s’est fait de manière fluide, en équipe avec Gaspard Murphy, et on s’est regardé à la fin de la session : « Hmmm, il y a un petit titre qui colle pas mal ». Franchement, je suis trop contente de l’avoir fait.

M. En quoi le clip réalisé par Jean-Charles Charavin a étendu ton univers ?

Y. : Ce que je trouve cool avec le clip, c’est que bien qu’il ne fasse pas partie de mon identité artistique, je me retrouve dans le message d’acceptance : tu es en vacances avec ta pote et t’envoies un nude à ton crush – n’ayons pas peur des mots. J’aime trop Jean-Charles Charavin qui me suit depuis Rien à prouver où il était réalisateur, et avec sa boîte de production Incendie Films sur Laisse aller avec Lord Esperanza.

M. : Dans ton entourage, il y a aussi Chilla et Lous and The Yakuza…

Y. : Je t’avoue que je trouve trop cool d’être avec des meufs qui font le même métier que moi, et que je vois briller au loin alors qu’on a passé tout notre été ensemble. Avec Lous and The Yakuza c’était collé-serré du lundi au dimanche (rires). Et là c’est la rentrée, on sort chacune notre clip et notre EP. En vrai, je suis heureuse de traîner et de se soutenir avec Chilla, Lous et Angèle. C’est un soutien sincère en mode « J’assure tes arrières ». Ce sont des meufs qui m’inspirent car elles ne sont pas arrivées comme ça (ndlr, Yseult claque des doigts), qui sont extrêmement fortes, et qui se poussent entre elles. Je suis juste reconnaissante.

M. : Est-ce que le futur vient de Belgique ?

Y. : Évidemment, c’est pour que je suis partie depuis 7 mois à Bruxelles (rires). Je n’ai pas envie de dire que le futur vient de Bruxelles, mais il vient d’ailleurs bien que je sois parisienne. Par exemple, j’ai composé Corps et Noir à Bruxelles, et j’en suis extrêmement fière. Ce qui m’a inspiré, ce sont les gens, l’ambiance et le délire artistique, où tout va beaucoup plus loin. À Paris, je ne me sentais pas vraiment poussée ni soutenue, on se contente d’un tube et de la moyenne au niveau visuel. Alors qu’à Bruxelles, il faut faire honneur à ton clip.

M. : Qu’est-ce que je peux maintenant te souhaiter ?

Y. : De la paix, de la sérénité, et beaucoup de courage. Il va falloir que je sois forte, que je bosse beaucoup plus que les autres.

M. : Ma dernière question est la signature chez Arty Magazine. Quelle est ta définition d’une artiste ? Te considères-tu comme tel ?

Y. : Je me considère sincèrement en tant qu’artiste car je n’ai pas peur d’explorer plein de choses : chanteuse, autrice-compositrice, modèle (ndlr, pour la dernière campagne Asos), et je m’occupe de la direction artistique de Blu Samu. Ma mission est d’éduquer les gens avec mon image et mon corps.

© 2023 Arty Magazine. Tous droits réservés.

Retourner au sommet